Interview exclusive de Lois YOROBA-POL - Comment se construire une carrière dans les RH

Aristide DEMBELE

22 mars 2023

COMMENT SE CONSTRUIRE UNE CARRIÈRE DANS LES RH

 

1. Présentez-vous.

Lois : Je suis Lois YOROBA-POL, spécialiste des Ressources Humaines avec plus de douze ans d'expériences professionnelles, sur toutes les questions de développement du capital humain et de gestion des talents. J’ai eu la charge de travailler dans divers secteurs d'activités : la communication, la banque et aujourd'hui, les télécoms, et pour des entreprises de différentes tailles, de start up, des PME, des Moyennes et Grandes entreprises et Multinationale.

 

2. Quel est le mot qui vous définit le mieux ?

Loïs : Alors, le mot qui me définit le mieux, je dirai que c'est : AUTHENTIQUE. 

Loïs sur les réseaux sociaux et dans la réalité, il n'y a pas de différence. 

J'aime bien être alliée à ce que je pense et ce que je dis.

 

3. Ça vous a pris du temps avant d'avoir un CV et une expérience pareille, quelles sont les difficultés que vous avez eu à affronter avant d'en arriver là où vous en êtes ?

Lois : Déjà, il faut dire qu'on est en Côte d'Ivoire et on connait un peu les réalités en matière de recherche d'emploi. 

 

Je vous raconte une petite anecdote. Quand j'étais en année de BTS, les gens avaient pour habitude de dire que BTS signifie "BARA TE SÔRÔ" (Il n'y a pas d'emploi). Mais moi, je disais toujours : "Même s'il n'y a pas de travail en Côte d'Ivoire, le travail, moi-même, je vais le créer." Et c'est exactement ce que j'ai fait. 

 

Déjà en première année de BTS, j’ai commencé à offrir mes compétences gratuitement à certaines entreprises qui n'avaient pas les moyens de payer des primes de stage, mais besoin de personnel pour leurs différents projets.

En retour ces entreprises m'apportaient de l'expérience pratique et m’ont permis de développer et affiner mon expertise technique sur plusieurs sujets.

 

Donc, le CV et le parcours que j'ai aujourd'hui ont commencé il y a très longtemps. 

Et je pense que ma perception de l'emploi en Côte d'Ivoire a joué pour beaucoup, dans tout ce que j’ai pu avoir comme expérience professionnelle.

 

4. Influenceuse et chef de service dans une grande entreprise, leader de la télécommunication, comment faites-vous pour allier les deux ?

 

Lois : "Influenceuse" ?, waouh, j’espère plutôt "inspirante". 

Pourquoi ? Parce que l'inspiration pousse à l'action. J’arrive à associer les deux activités et plusieurs autres, grâce à beaucoup d’organisation et de planification.

Aussi, je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir des difficultés à allier ce que je fais sur les réseaux sociaux et dans ma vie professionnelle, parce que ce sont essentiellement les expériences que j'ai eu que je rencontre, que je partage sur les réseaux sociaux avec le même objectif : pousser le maximum de personne à l’action, pour l’atteinte de leurs objectifs personnels et professionnels.

 

5. Vous avez eu une très longue expérience dans le secteur des banques, notamment à gravir les échelons petit à petit. Quel impact cela a eu sur votre rôle décisionnel au sein de l'entreprise qui vous emploie aujourd'hui ?

 

Lois :  Selon moi, la carrière professionnelle, elle se planifie étape par étape, pas de précipitation. 

Il y a eu un moment où, pour moi, le plus important, c'était d'apprendre, puis développer la partie technique, ensuite démontrer mon expertise technique, et aujourd'hui, valoriser ces acquis en répondant à des problématiques spécifiques, peu importe le secteur et la taille de l’entreprise qui m’emploi.

Aussi, comme je l’ai dit à l’entame de ma présentation, avant le secteur bancaire, j’ai eu à travailler dans d’autres secteurs et pour des entreprises de taille moins importantes.

 

Le secteur bancaire m'a permis de suivre tout le processus que j’ai défini plus haut, et m’a vraiment aidé à affiner mon plan de carrière.

 

En matière de gestion de carrière, il ne faut pas se précipiter pour passer à une autre étape si on n'a pas l'expertise ou les acquis du niveau inférieure. C'est vraiment la vision que j'ai dans le pilotage de ma carrière professionnelle. 

 

6. Parlons RH. Qu'est-ce qui vous a motivé à travailler dans ce domaine ? 

Lois :  Déjà, je pense que j'ai été appelée à cette fonction. 

Je vous partage encore une petite anecdote. Il faut dire que j'ai passé une ou deux années, où je n’allais pas à l'école par faute de moyens. 

Et pendant cette période, je restais toujours disponible pour recevoir et écouter les personnes qui passaient par un moment difficile et leur prodiguer des conseils (malgré ma situation dans le temps).

J’avoue que j’éprouvais une grande joie quand je les voyais sortir de mon « mini cabinet » tout souriant, après être venus en pleurs.

Plusieurs d’entre eux me reconnaissaient la qualité de savoir écouter et de savoir conseiller, et me disaient tous « Loïs, tu dois faire les RH ».

 

Au départ, ce que je voulais faire, c'était vraiment le journalisme parce que j'aime bien ( en privée ou en public), j’aime parler et poser devant la caméra, j'aime tout ce qui touche à la communication.

Aussi, je suis tellement polyvalente qu’il me fallait une fonction qui touche un peu à tout et qui me permet de concilier et exprimer toutes les qualités que j’ai citées plus haut. 

Il me fallait une fonction transverse. 

 

C'est en ce sens-là que j'ai été conseillée par un aîné qui m'a dit : "Pour ce que je te vois faire déjà, je pense que tu serais une bonne RH."

C'est comme cela que je me suis retrouvée dans les ressources humaines, que j’ai accompagné d’une formation en marketing management, pour ajouter ce volet marketing à la vision stratégique que j’ai des Ressources Humaines.

 

 

7. Votre plan de carrière est très bien structuré. Avez-vous une fois songé à changer de voie ?

Lois : Pas du tout. Changer de voie, c'est-à-dire, peut-être, une reconversion ? Non. Je pense que je me sens à l'aise dans les ressources humaines. Pourquoi ? Parce que c'est un métier tellement dynamique. C'est un métier qui nous pousse à toucher, un peu, tous les corps de métiers. Et je pense que c'est cette adaptabilité, cette capacité à innover, à connaître, quand même, chaque activité qui m'intéresse encore plus dans la fonction RH.

Je ne pense vraiment pas à une autre voie, non.

 

8. Vous avez évolué dans le secteur bancaire notamment, et là, vous passez dans un univers un peu plus digital et télécoms. D'un point de vue personnel, comment avez-vous appréhendé cette transition ? 

Lois : Dans ma transition du secteur bancaire au domaine des télécoms, à vrai dire, il n'y a pas eu de difficultés. Parce que je suis naturellement, comme j'ai dit tout à l'heure, passionnée de digital, de communication. Donc, c'était tout naturellement que je suis passée, en fait, du secteur bancaire au domaine de la télécommunication. 

 

Et il faut dire aussi que dans mon plan de carrière, les entreprises que j'avais identifiées pour chaque secteur sont les entreprises qui m’ont retenue

Donc, c'est tout naturellement que s'est faite vraiment la transition.

 

Et pour le secteur dans lequel je suis actuellement, il y a encore plus de digital, encore plus d'innovations, encore plus d'appels à mon esprit créatif. Ce qui fait que je ne m'ennuie pas du tout. 

 

9. Vous avez une très forte attraction sur LinkedIn. Cela a-t-il contribué à ce changement d'environnement de travail ?  

Lois : Oui. Parce que c'est sur LinkedIn que j'ai été repérée, je pense, par certains managers de mon entreprise actuel. Et c'est également sur LinkedIn que j'ai vu l'appel à candidature pour le poste. 

 

10. Que pensez-vous de la marque employeur pour les entreprises ?

Lois : Je pense que toute entreprise qui veut se positionner stratégiquement et qui a pour objectif d'évoluer doit avoir une stratégie de communication sur sa marque employeur, qui est alignée à sa réalité interne. 

Parce qu'il ne sert à rien de communiquer, d'attirer des talents, et de leur montrer des réalités à l'extérieur, qui ne reflètent pas la réalité intérieure.

 

11. De votre position, quelle devrait être la perception de la marque employeur pour les talents ?

Lois : La perception de la marque employeur est très importante. Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas que l'idée ou l'image que les candidats ont de vous de l'extérieur, soit différente des réalités intérieures. 

Déjà, de manière générale et simple, comment est-ce qu'on définit la marque employeur ? C'est l'ensemble des actions de communication que l'entreprise va utiliser pour se faire connaitre, faire connaître son image en tant qu'employeur, et attirer des potentiels collaborateurs ou talents en son sein. 

 

Si vous mettez en avant le fait que vous êtes innovant, créatif, au sein de votre entreprise et que pour ces raisons, le talent rejoint l'entreprise et se rend compte que ce n'est pas la réalité en interne, non seulement vous allez le perdre, mais vu qu'un collaborateur qui démissionne c'est un ambassadeur probable pour l'entreprise, ce collaborateur partira avec une mauvaise image de votre entreprise. 

Donc, il est toujours important de s'assurer d'aligner les actions qu'on mène en interne avec l'image de marque qu'on essaye de véhiculer aux candidats à l’extérieur. 

 

12. Avec du recul, mais aussi ton œil d'Insider, pourquoi le digital et les télécoms restent des milieux très ou trop masculins ?

 

Lois : C’est une réalité qu’on essaye de changer aujourd’hui dans le groupe dans lequel je suis.

Il faut dire que plusieurs femmes avaient des idées assez fausses de ce secteur, et aussi, certaines contraintes liées au métiers font qu’elles ont peur.

Mais les choses sont maintenant en train de changer et nous allons continuer à sensibiliser et mettre en avant, les différents métiers de ce secteur pour que le nombre de femmes qui y sont augmentent.

 

13. Dans le milieu des RH, comment est perçue la position des femmes ?

Lois :   La plupart des personnes pensent que les femmes sont fait pour la fonction de RH (rire). Je n'ai pas vraiment les statistiques, mais de ce que je vois, de ce que je remarque, les gens disent souvent que les femmes sont un peu plus maternelles. Et pour cette fonction-là qui demande beaucoup d'humanisme, je pense qu'on a beaucoup plus de facilité à créer une certaine relation avec les collaborateurs, une certaine relation de confiance qui fait qu'ils ont plus de facilité, peut-être, à s'approcher et à expliquer certaines situations et à écouter aussi des conseils, du fait de cette fibre maternelle qu'on a souvent.

 

14. Pensez-vous que les femmes sont beaucoup plus flexibles que les hommes dans la gestion au quotidien des RH ?

Lois : Est-ce que les femmes sont beaucoup plus flexibles ou non ? Comme je disais tout à l'heure, je n'ai pas vraiment les statistiques. Mais il faut dire que je pense qu'on est souvent beaucoup plus empathiques et sensibles.

 

Il faut savoir qu'en tant que RH, ce n'est pas seulement le fait de trouver une solution au problème du collaborateur, mais c'est déjà de lui donner le sentiment que ce qu'il dit qui compte pour vous. Déjà, le fait de lui donner le sentiment que vous prenez le temps de l'écouter, de le conseiller, de l'orienter, il se sent déjà valorisé. Et je pense que certaines femmes ont cette qualité.

 

15. Pensez-vous qu'il est plus aisé de recruter des hommes plutôt que des femmes du fait du risque de leur indisponibilité pour raison de congés de maternité ?

 

Lois : Tout dépend de la vision de l'entreprise et du secteur d'activité. Je me rappelle qu'il y a des entreprises dans lesquelles j'ai travaillé où à un certain moment, on me disait : "Ne recrute plus de femmes parce que, déjà sur tel service, elles sont toutes en congés de maternité. Donc, on va recruter  des hommes."

Déjà, au niveau du code du travail, cette perception-là, elle est proscrite. Donc, je ne pense pas qu'aujourd'hui, on ait plus tendance à recruter des hommes ou des femmes. On recherche juste des potentiels. Que vous soyez homme ou femme, si vous venez et que vous avez le potentiel qu'on recherche, on vous prendra.

 

Maintenant, après, on parle de congés de maternité au niveau des femmes, mais même au niveau des hommes, il peut y avoir des imprévus, il peut y avoir des accidents de travail ou des démissions et il est prouvé que les hommes sont beaucoup plus instables que les femmes. En conclusion, tout dépend de la stratégie de l’entreprise.

 

16. Avez-vous une fois eu à douter lors de certaines prises de décision difficiles ?

Lois :  Ah oui ! Plusieurs fois. Déjà en tant que professionnel RH et aussi dans ma vie personnelle. Il faut dire qu'à un moment, dans mon parcours professionnel, j'étais en CDI et j'ai été contactée par une entreprise pour un stage, une très grande entreprise et il fallait faire le choix de soit rester en CDI dans une entreprise qui, peut-être, n'était pas connue, mais où j'avais quand même une certaine stabilité, une certaine assurance, et prendre le risque d'aller dans une nouvelle entreprise qui a une autre dynamique, un autre secteur d'activité, et pour un stage.

Je vous avoue que ce n'était pas évident. Ça a été vraiment difficile. Et il faut dire qu'il y avait aussi des contraintes financières qui pèsent pour beaucoup dans la balance. Mais finalement, j'ai écouté mon cœur, et j'ai pris le risque de sauter le pas. Et je pense que ce risque-là a été, vraiment, un déclencheur dans ma carrière parce que de cette décision est partie tout ce que vous voyez aujourd'hui comme résultats professionnels.

 

17. Avez-vous des projets à court, moyen ou long terme pour révolutionner la gestion des RH ?

Lois : Oui oui, j'ai pas mal de projets, mais pour le moment, je vais les garder secrets. Déjà, mon objectif sur LinkedIn, je pense que cela se remarque de par les postes que je fais souvent, c'est de montrer que les RH ce n'est pas seulement une fonction support et administrative. C'est une fonction hautement stratégique qui peut, non seulement, si elle comprend et adapte cette image de stratégie, apporter beaucoup plus.

 

Je compte lancer plusieurs formations sur les métiers du recrutement et de chargé de développement RH.

Aussi, finaliser la mise en place de mon cabinet de coaching et d’accompagnement des professionnels sur toutes les questions de recherche d’emploi.

 

18. Que pensez-vous des outils et plateformes mis en place pour faciliter la gestion du recrutement et du personnel en général ?

Lois : Je pense que toute entreprise qui a pour objectif de mettre en place une réelle stratégie de communication sur sa marque employeur doit utiliser ces outils de recrutement. Recevoir des CV papiers, les lire et les sélectionner sur le tri, je pense que ces méthodes-là sont dépassées. Et aujourd'hui, vu qu'on est en train de comprendre que la fonction RH est hautement stratégique, je pense qu'il faut gagner du temps dans l'analyse des CV, dans le choix des candidatures. Donc, je recommande vraiment à toute entreprise qui n'a pas encore ces outils de recrutement, ces outils, ces plateformes de recrutement digitales de s'en procurer.

Et cela permettra aussi à leurs RH de développer encore plus l'aspect stratégique de la fonction RH .

 

19. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui souhaitent faire carrière dans les RH ?

Lois : Mes conseils porteront sur les points suivants :

 

  • Percevez le métier des RH comme une mission de vie, c'est-à-dire, un travail pour lequel, qu'on vous félicite ou pas, vous êtes satisfait parce que vous avez le sentiment, d'avoir accompli quelque chose d'extraordinaire. 

 

  • La deuxième chose, il faut être quelqu'un d'endurant parce que vous allez travailler dans divers secteurs d'activité qui, peut-être, ne vont pas accepter votre vision des ressources humaines. Il faut être patient et comprendre que le pilotage de la conduite du changement, surtout au niveau des organisations et des hommes, prend du temps.

 

  • La troisième chose, il faut avoir le goût de l'apprentissage. On ne finit jamais d'apprendre, surtout sur la fonction RH. Que ce soit sur l'aspect administratif, développement, il faut continuer de se documenter, il faut continuer de rechercher des informations. Il ne faut surtout pas se limiter à son cadre et dire : "Vu que je suis en Côte d'Ivoire, je me documente seulement en Côte d'Ivoire". Il faut vraiment aller rechercher à l'extérieur ce qui se fait. Je me rappelle il y a dix ans en arrière, quand je parlais de marque employeur, ce n'était pas quelque chose encore qui était développé ici. Je me rappelle même que lors d'un entretien d'embauche, le recruteur m'avait dit : "Madame, on ne recherche pas une assistante marketing. On recherche une assistante RH, vous me parlez de marque employeur." Mais aujourd'hui, c'est bien une réalité qui est acceptée par toutes les entreprises, en tout cas, celles qui veulent se positionner stratégiquement. Pour dire qu'il ne faut pas rester fermé. 

 

  • La dernière chose, il faut avoir confiance en soi et beaucoup de leadership. Parce que les gens avec qui vous allez parler, votre manière de les écouter, de les impacter, de les inspirer, pourra certainement les aider . Donc, le développement personnel, le mindset, ce sont des questions sur lesquelles vous devez toujours vous documenter. 

 

20. Quel est votre mot de fin ?

Lois : Merci à Socium, pour cette belle lucarne pour ma modeste personne, j'espère que ce petit partage d'expérience va inspirer plus d'un et va donner, en tout cas, le courage à certaines personnes, peut-être, qui recherchaient encore leur voie, qui se posaient plusieurs questions par rapport au métier de RH, à prendre la bonne décision.

Restez optimiste quelque soit les circonstances, rêvez grand, aucun rêve n’est irréalisable, tout dépend de votre capacité à rester confiant et y croire.

Vous avez du potentiel, ne l’oubliez jamais,  "Brillez, vous êtes unique ! ". Merci !